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Critique

Les bures ont la parole.De la Grèce à Rome: les arts de persuasion acquis par les évêques et les moines ont contribué à la formation du premier Empire chrétien. C'est la thèse de l'historien Peter Brown. peter brown, Pouvoir et persuasion dans l'Antiquité tardive Seuil, «Des travaux», 256 pp., 140 F.

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publié le 7 mai 1998 à 3h01

L'une des «ruptures» les plus profondes de l'histoire de l'Occident

concerne le passage de l'Antiquité tardive, polythéiste et romaine, au Moyen Age, chrétien et féodal. Un élément de cette transformation se reconnaît tout particulièrement dans les aventures sociopolitiques qui ébranlèrent l'autorité romaine sur le versant oriental de son empire, au cours des IVe-Ve siècles de notre ère: les provinces bordant la Méditerrannée, de la Grèce à la Libye, se sont alors acheminées vers un «Empire chrétien», qui donnera finalement naissance au règne byzantin. L'ouvrage de l'historien anglo-américain Peter Brown, Pouvoir et persuasion dans l'Antiquité tardive, décrit le processus par lequel les évêques chrétiens ont acquis, dans ces régions et à cette époque, un «pouvoir de persuasion» grandissant sur la vie politique et sociale.

L'Empire romain avait inauguré un système autoritaire et centralisé, soumettant les provinces à un pouvoir édicté depuis les «celsae potestates», autrement dit l'empereur et son entourage. Parachutés dans les grandes cités provinciales, les «gouverneurs» romains eurent longtemps pour tâche d'incarner et d'imposer «l'immense majesté de la "pax romana». Il s'agissait, au demeurant, d'une paix écrasante, qui étendait une poigne de fer sur les territoires colonisés. Mais dans la période qui occupe Peter Brown, les rapports entre les gouverneurs et le pouvoir impérial se trouvèrent compliqués par la nécessité d'aménager de bonnes relations avec les notables locau