Il n'est pas sûr que Henri Michaux aurait apprécié la publication de
son oeuvre en Pléiade. Quand Claude Gallimard le lui avait proposé en 1984, il avait justifié ainsi son refus: «La raison majeure est qu'il s'agit dans les volumes de cette prestigieuse collection d'un véritable dossier où l'on se trouve enfermé, une des impressions les plus odieuses que je puisse avoir et contre laquelle j'ai lutté ma vie durant. Me libérer de quantité de pages d'autrefois, retrancher, réduire au lieu de rassembler, voilà qui serait mon idéal, au lieu de l'étalement de tous mes textes, qui, à coup sûr, me dégoûterait et à brève échéance me paralyserait.» Depuis, Henri Michaux a disparu (cette même année 1984) et l'intérêt supérieur de la littérature (et de Gallimard) a repris le dessus. Un mort n'est plus claustrophobe.
C'est donc «à son corps défendant, désormais indéfendu par la mort», admet Raymond Bellour le maître d'oeuvre de l'édition de la Pléiade, que Michaux est aujourd'hui sur papier bible. Mince vengeance, l'auteur de Plume n'aura pas facilité la tâche de ses thuriféraires, lui qui a passé sa vie à effacer les traces, à construire une «fiction de soi» et qui disait d'une chose: «même si c'est vrai, c'est faux».
La constitution d'une simple chronologie a été déjà toute une affaire. On sait peut-être que Michaux avait rédigé lui-même pour le volume que lui consacra en 1959 Robert Bréchon dans «la Bibliothèque idéale» de Gallimard une courte notice autobiographique intitulée «Quelques