En quoi ce nouveau voyage en pays islamiques est-il différent du premier?
V. S. Naipaul: Je suis retourné sur les mêmes lieux pour observer les changements intervenus. Mais, surtout, dans l'intervalle, j'ai beaucoup lu sur l'histoire des religions et le phénomène m'a de plus en plus passionné. J'ai essayé de comprendre en particulier la révolution du christianisme, comment cette religion a renversé celles qui l'ont précédé, comment elle a réussi à ériger ses églises sur les lieux mêmes des anciens cultes et à s'imposer dans un univers aussi cruel et tyrannique que l'Antiquité romaine. Mais si, en Europe, cette conversion est un fait établi depuis longtemps, sur lequel on ne peut revenir, dans ces pays musulmans, c'est un phénomène toujours en cours, observable à l'oeil nu. En Iran, une femme m'a dit avec une passion soudaine: les Persans ne comprennent pas qu'ils ont été conquis par les Arabes, combien leur défaite historique constitue encore aujourd'hui une catastrophe psychologique" De même en Malaisie et en Indonésie, qui appartenaient culturellement à la sphère indienne, les peuples ont rejeté, il y a quelques centaines d'années, leur propre passé, leur propre culture, et de ce rejet est né un traumatisme dont on mesure encore les effets aujourd'hui. Ces phénomènes de névrose collective et individuelle liés à la conversion sont au centre du livre. Un autre thème du livre est la différence entre les religions anciennes et les religions révélées. Les religions traditionnelles ne se sont jamais préoccupés du sort des gens; et ce