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Critique

Naipaul position

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Retournant en terres musulmanes converties (Indonésie, Iran, Pakistan, Malaisie), dix-sept ans après un premier voyage, V. S. Naipaul fait émerger, à travers une mosaïque de portraits, un monde coupé de ses racines et acculturé dans lequel il ne voit que traumatismes et souffrances. Rencontre.
publié le 7 mai 1998 à 2h35

Dix-sept ans après Crépuscule sur l'islam, V.S. Naipaul a refait le voyage qui l'avait conduit dans quatre pays musulmans non arabes: l'Indonésie, l'Iran, le Pakistan et la Malaisie. Il a retrouvé plusieurs de ses anciens interlocuteurs, s'enquérant de ce qu'ils étaient devenus, il a fait de nouvelles rencontres, mais l'optique des deux ouvrages n'est pas la même: à la fin des années 70, il ne connaissait presque rien à l'islam, l'Iran était en pleine révolution islamique, et c'est la capacité révolutionnaire de cette religion qui le fascinait le plus. Aujourd'hui, dans Jusqu'au bout de la foi, sous-titré «Explorations islamiques chez les peuples convertis», c'est la question de la conversion qui a guidé ses recherches, et celle de l'immense bouleversement que représente pour une société l'abandon de ses anciennes croyances et l'adoption, parfois après conquête et dans la violence (comme en Iran ou au Pakistan) d'un nouveau système religieux. Entre-temps, la conjoncture a changé: à la grande aspiration révolutionnaire islamique ont succédé la poussée du fondamentalisme (partout), la guerre (en Iran), l'exacerbation des tensions ethniques (au Pakistan), un boom économique (en Malaisie et en Indonésie).

Selon sa méthode, l'écrivain s'est immergé pendant cinq mois entre 1995 et 1996 dans ces quatre pays (sa première «exploration islamique» lui en avait pris sept). Il s'est laissé guider par les circonstances et ses intuitions, saisissant les occasions, changeant d'orientation en