Aux marges, il se passe, on le sait, des choses dangereuses,
coqui-nes ou cocasses et même rien. Ainsi dans les bas de page des travaux historiques où des individus mal intentionnés viennent loger des notes souvent essentielles et quelquefois assassines, tel un coup de poignard dans le dos d'un collègue bien-aimé. Mais, pour mettre des notes, il faut des pages, ce qui explique que leur apparition, au moins dans la forme actuelle, a partie liée avec l'invention de l'imprimerie. De cette figure, rhétorique autant que typographique, Anthony Grafton reconstitue l'aventure (selon lui, pas du tout marginale) dans les Origines tragiques de l'érudition. Une histoire de la note en bas de page. Le ton badin de cet essai malicieux ne parvient pourtant pas à cacher l'ambition du propos: intervenir dans le débat actuel qui secoue la communauté des historiens sur l'état et la définition de leur discipline. Américain, Anthony Grafton enseigne l'histoire européenne à l'université de Princeton. Francophile, il a été professeur invité au Collège de France et à l'Ecole des hautes études en sciences sociales.
On crédite généralement l'historien allemand Leopold von Ranke d'avoir été, aux débuts du XIXe siècle, le fondateur de l'école historique moderne et l'initiateur talentueux de la note en bas de page. Il est vrai que son argumentation critique est brillante et son apparat de notes témoigne d'une recherche méthodique et originale. Les sources sont diligemment indiquées, et l'articulation en