Le sourire s'étire jusqu'aux oreilles, plisse entièrement les yeux
noisettes. «Je n'ai aucune confiance en l'être humain, aucune», dit Maud Tabachnik en exhalant la fumée d'un cigare. «ça n'est pas du pessimisme, c'est du réalisme. Voyez-vous, toute une partie de ma famille a fini en savonnettes, et, depuis, les horreurs ont continué, le Cambodge, le Rwanda, la Bosnie" L'histoire se répète, sans qu'on en tire la fameuse leçon.» Plus tard, à propos de légitime défense, ce petit bout de femme gouaillante explique: «Moi, je respecte toute forme de vie, humaine, animale, végétale. Jamais, par exemple, je n'écraserai une araignée. Mais, attention, qu'on ne m'agresse pas, ni un de mes proches, sinon je réplique. Et je sais que je pourrais tuer. ça peut vous choquer, mais moi, j'ai eu les cavalcades dans les escaliers, les bottes, les coups de crosse dans les portes; j'avais 5 ans" Alors aller au bûcher avec les tables de la Loi dans les mains, c'est peut-être très bien pour les autres, mais ce n'est pas mon truc. Moi, si je vais au bûcher, c'est en ayant tout fait pour ne pas y aller, plutôt comme ceux du ghetto de Varsovie. Je me dirais, d'accord je vais crever, mais il y en a quelques-uns qui vont me suivre.» Ce pluvieux mercredi de début mai, dans son appartement de Saint-Maur-des-Fossés, en bord de Marne, Maud Tabachnik, née à Paris en novembre 1938 de parents juifs (père d'origine russe, mère d'ascendance israélienne), convoque souvent l'Histoire pour commenter la sienne. A