Il a été le secrétaire de Giono et l'ami de Bachelard, le
«lieutenant» d'Eluard et le complice de Queneau. Pendant la guerre, il a dirigé l'une des revues littéraires les plus inspirées par l'esprit de résistance et participé à l'aventure clandestine des Editions de Minuit. Il a compté parmi les fondateurs de l'Oulipo et présidé pendant vingt-sept ans l'Association française des cinémas d'art et d'essai. Poète, il a vécu dans la compagnie des peintres, ceux de la nouvelle école de Paris, Bertholle, Estève, Fautrier, Gischia, Lapicque, Singier. A 85 ans, Jean Lescure est l'un des derniers témoins du siècle. Sans doute aussi un des plus modestes. Grande figure silencieuse, il sort aujourd'hui de sa retraite pour raconter, dans Poésie et liberté, un épisode mouvementé de sa vie: celui où il fut le porteur de Messages, revue considérée de 1939 à 1945 comme «l'anti-NRF». Messages, écrit-il plus de cinquante ans après, a été «la rencontre inattendue, sur la table des opérations, d'un concept métaphysique, d'un thème lyrique et d'une passion politique sous le même nom de liberté», «une oeuvre collective où je n'ai joué que le rôle de facteur».
Comme chaque année depuis trente ans, Jean Lescure a pris ses quartiers au Festival de Cannes. Ce goût du septième art vient de loin. «Je suis né dans un cinéma», dit Jean Lescure, dont les parents transformèrent en 1905 le bal populaire qu'ils tenaient à Asnières en salle de cinéma: l'Alcazar, que lui-même reprendra à la mort de sa mère au