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Libération
Critique

Qui vivra Vieira. L'Angolais Luandino Vieira interroge la décolonisation du discours et l'«amouritié» politique. Une prose magnifique et métisse sortie d'un bagne en 1968. José Luandino Vieira João Vêncio: ses amours, Traduit du portugais (Angola) par Michel Laban. Gallimard, «Du monde entier», 100 pp., 80 F.

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publié le 21 mai 1998 à 1h47

Luandino Vieira, c'est l'éternel retour du refoulé. Une fois tous

les dix ans, à peu près (1971, 1981, 1989, 1998), à un rythme assez lent pour que tout le monde l'ait oublié entre-temps, on traduit (excellemment, en l'occurrence) un de ses textes. Mais il revient avec une telle persévérance qu'il finira peut-être par recevoir l'accueil qu'il mérite, qu'on finira peut-être par le lire, et pas seulement parce qu'un écrivain angolais ça fait exotique, pas seulement parce qu'on confondrait littérature et engagement politique. D'autant plus que, si João Vêncio est mulâtre, Luandino Vieira, lui, est Blanc, né Portugais (ce qui n'est pas très exotiquement correct), et que, si politique il y a dans ce roman, c'est en position non d'objet, mais de sujet du discours.

Un tous les dix ans, disions-nous, alors que ces textes ont tous été écrits dans l'urgence, entre 1961 et 1972, au fond de la prison de Tarafal, sur les îles du Cap-Vert, où José «Luandino» (c'est-à-dire de Luanda, la capitale de l'Angola) Vieira croupissait pour avoir soutenu le Mouvement populaire pour la libération de l'Angola. João Vêncio: ses amours, daté du «27 juin au 1er juillet 1968», ne fait pas exception à la règle. Rappelons donc vite (pour qu'on ne croie pas que l'intérêt du livre est autre que purement littéraire) qu'en plus d'être un Portugais émigré en Angola à l'âge de un an, Luandino Vieira s'est rallié à la cause des colonisés contre ses origines, a été prisonnier politique, exilé, puis mobilisé lors de