En 1970, en pleine purge des communistes par le régime de Saddam
Hussein, le poète irakien Abdul Kader El Janabi quitte Bagdad, où il est né en 1944, pour l'Europe. Il passe deux ans à Londres, où il est marmiton, hippie, libraire. Lorsqu'il débarque à Paris, ex-haut lieu du surréalisme, il mène, à travers des revues dont il fut l'éditeur et le principal animateur, telles Faradis, Nokta, etc., un combat poétique d'agitateur, n'hésitant pas à confesser son irrévérence à l'égard de l'islam ou prônant al-raghba al-ibâhiyya, le désir libertaire. L'année dernière, il s'est rendu en Israël, provoquant l'ire des médias et organismes culturels arabes. Aujourd'hui, l'auteur persiste et signe, avec le poète israélien d'origine irakienne Romy Somek, un recueil de poésies intitulé Nés à Bagdad: une évocation de leur lieu d'enfance, qu'ils ne pourront revisiter qu'au péril de leur vie. Dans Horizon vertical, un récit autobiographique, El Janabi règle, à la hussarde, ses comptes avec les pouvoirs du père, ceux d'Allah et des «intellectuels agents».
Les Arabes aiment à se définir comme le «Peuple du poème». A l'heure de la poussée islamiste, qu'en est-il de la poésie et des poètes?
Si les Arabes formaient le «Peuple du poème», ils formeraient un peuple libre. La poésie est la seule possibilité d'entraîner le langage dans une résistance au discours dominant, aux représentations triomphantes du pouvoir. Les poètes arabes pullulent en ce siècle. Pourtant, il n'existe pas un auteur susceptible de