Bien des choses à première vue séparent Eugène Sue de Ponson du
Terrail. Ami de Victor Schoelcher et de Victor Considérant, le premier n'a jamais caché son attachement envers «la république démocratique et sociale». Il s'exila le 2 décembre et fut peu de temps avant sa mort, en 1857, victime de la censure impériale pour ses Mystères du peuple. Le second, qui combattit dans les rangs de la garde mobile les insurgés de 1848, fut un thuriféraire du second Empire, qui le décora et le publia dans sa presse officielle. Sa carrière, qui débuta véritablement en 1851, sombra d'ailleurs avec l'Empire, puisqu'il mourut en 1871. En dépit de cette distance, les deux hommes ont en commun d'avoir été les feuilletonistes les plus lus du XIXe siècle. «Des malades ont attendu pour mourir la fin des Mystères de Paris», écrivait Théophile Gautier à propos du roman de Sue, et les interminables Drames de Paris de Ponson, rapidement assimilés à la figure de Rocambole, accompagnèrent en France la naissance du journal à grand tirage. Dénigrés par la critique académique, ils furent tous deux d'authentiques romanciers «populaires», plébiscités par un immense lectorat. Deux ouvrages aujourd'hui font retour sur ces maîtres du roman-feuilleton.
En publiant les lettres reçues par Eugène Sue lors de la parution des Mystères de Paris, Jean-Pierre Galvan vient combler une incontestable lacune. On savait, en effet, que ce feuilleton mythique avait, lors de sa publication au rez-de-chaussée du très sérieux Journ