Le dernier texte philosophique de Benjamin Fondane il a juste le
temps, avant son arrestation, de le remettre à Jean Grenier, qui le publiera en 1945 a un titre bien significatif: le Lundi existentiel et le dimanche de l'Histoire. Des rendez-vous que l'Histoire fixe le dimanche, fêtes de sang ou fêtes d'espoir, séismes de l'époque, Fondane n'en a pas raté: l'antisémitisme, la révolution, la guerre, la déportation. Il n'a pas, de même, négligé les pensées qui du sens du monde et de l'Histoire veulent saisir quelque chose: comme l'écrit Monique Jutrin dans l'article d'ouverture du numéro d'Europe, il n'a pas craint de «s'aventurer sur les sentiers les plus raides de la philosophie, de l'anthropologie, et même de la logique et de la physique», travaillant aussi bien sur Lupasco que sur Heidegger, sur Husserl et sur Bachelard, sur Lévy-Bruhl et sur Bergson. Mais il cherchait «autre chose» que ce que la connaissance peut livrer: aussi était en priorité tendu vers le «lundi existentiel» ce lundi qui n'arrive peut-être jamais et où serait tapi, même enveloppé de désespoir, le secret de l'existence. C'est pourquoi sa rencontre avec Léon Chestov, qui le conduira aussi vers Pascal et Kierkegaard, a été si essentielle. Comment quelqu'un qui disait alors devoir «traverser tout nu la crise morale de ce siècle» et qui refusait avec la dernière énergie toutes les pensées censées «logiquement» expliquer le malheur ou le faire accepter aurait-il pu ne pas recevoir en plein coeur et en pl