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Critique

«Je riais de peur». Comment lutte-t-on contre la montre? Atteint de mucoviscidose, un jeune homme de 19 ans a tenu son journal jusqu'à sa mort. Johann Heuchel, Je vous ai tous aimés, Préface de Philippe Lejeune. Seuil, 352 pp., 120 F.

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publié le 18 juin 1998 à 3h49

Les raisons pour lesquelles Johann Heuchel, à partir du 28 février

1990, tient son journal, nous les découvrirons au fur et à mesure. Ce sont celles de tout le monde. Thérapie, élucidation de soi, entraînement à l'écriture, album du passé. Le journal est un havre, une bouée, un exutoire. Il peut être annulé par la vie en cours, ou bien être sa doublure. Il peut devenir l'endroit où il faut taire le pire de peur qu'il advienne. Ce sont les raisons de tout le monde, mais à la puissance mille. Johann Heuchel a la mucoviscidose: «C'est une maladie génétique, héréditaire en somme. Sache aussi qu'elle encombre les poumons d'un mucus si épais qu'il empêche la respiration et qu'elle est mortelle à plus ou moins longue échéance.» Il a 19 ans, il habite près de Rouen. Il est fils unique, il aurait pu avoir une soeur aînée, il ne sait pas encore qu'elle lui manque, elle n'a pas vécu. Depuis 1988, il ne va plus en classe, et, quand nous faisons sa connaissance, il est désormais pris dans le cycle connu des «mucos». En moyenne, un jour à la maison, deux jours à Giens pour les perfusions d'antibiotiques, lorsque l'infection prend le dessus.

Très vite, nous adoptons la communauté des mucos, et nous allons pleurer les amis si vivants qui sombrent et meurent. C'est pour les faire connaître qu'il s'adresse à nous. Comment lutte-t-on contre la montre? Pour les uns, la vie suicidaire à toute vitesse, la moto, le tabac, les soirées de défonce, un cocktail de rage «baise-sexe et vannes idiotes-mu