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Libération
Critique

Pékin sacqué

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Patriote et résistant, Lao She (1899-1966) écrit pendant la guerre un roman-fleuve sur l'occupation japonaise à Pékin, la ville capitale de son oeuvre. Traduction du tome II, «Quatre générations sous un même toit», et retour sur les traces d'un écrivain progressiste laminé par la Révolution culturelle.
publié le 25 juin 1998 à 4h18

Un pays exsangue, asservi par une armée étrangère qui trouve sans

mal les collaborateurs dont elle a besoin. Des profiteurs de guerre, de plus en plus corrompus. Une population silencieuse qui a froid et faim. Des actes de résistance, d'abord isolés. Des intellectuels qui prennent les armes, d'autres qui se mettent au service du nouveau régime. Certains s'ingénient à ne pas collaborer, à aider les résistants à défaut d'en être, et c'est le cas du héros de Quatre générations sous un même toit. Il n'y a pas une ligne du roman-fleuve de Lao She, chronique de l'occupation japonaise à Pékin, qui ne fasse penser à l'occupation allemande à Paris.

En même temps, rien de plus chinois que cette cadence romanesque obsédée de rituels. Protocole générationnel, vêture et repas, funérailles, minutieusement décrits. «Comme je suis né à Peiping [Pékin], disait Lao She, il n'est rien de la ville dont je ne sois pleinement familier: de ses activités, de ses paysages, de ses odeurs ou saveurs, des cris de ses marchands ambulants, vendeurs de jus de prunelle ou de thé aux amandes d'abricot. Il me suffit de fermer les yeux pour qu'aussitôt mon Peiping m'apparaisse dans sa plénitude et que je n'aie plus qu'à reproduire la peinture aux vives couleurs qui toujours surnage au fond de mon coeur: c'est comme une onde pure, où je n'ai qu'à tendre la main pour y saisir le plus frétillant de ses poissons.» (Cité par Paul Bady dans son édition de Gens de Pékin.) Le livre vibre de ça, mais aussi de quelque