«Les autres parlent, moi je travaille.» Et pourtant, il se disait aussi «bavard qu'une pie», la parole étant pour Picasso un plaisir, que le lecteur partagera avec bonheur. Dans le propos souvent aphoristique se dessine l'inverse d'une véritable théorie de l'art, une pensée cependant, jamais au repos, qui saisit tout au passage. Et puis, après tout, ce qu'on attend des écrits (rares) et des paroles d'un artiste comme lui, c'est bien qu'ils éclairent la vie des oeuvres, qu'ils rendent possible cette «science de l'homme» que préconisait Picasso à partir de l'étude de la création artistique.
Si l'on retient que son bavardage cherche aussi à brouiller les pistes, on peut cependant y trouver quelques repères solides. Par exemple, ceux que nous livre Picasso autobiographe clairvoyant («Au fond, je crois que je suis un poète qui a mal tourné»), ou quelque peu cynique («C'est à l'abri de mon succès que j'ai pu faire ce que je voulais»), croyant à la prédestination (Quand j'étais enfant, ma mère me disait: Si tu deviens soldat, tu seras général. Si tu deviens moine, tu finiras pape" J'ai voulu être peintre et je suis devenu Picasso»), ou franchement mégalomane («Je suis beaucoup plus [qu'un peintre], mais les gens ne me prennent pas au sérieux. Ils me prennent au sérieux seulement comme peintre. Tant pis pour eux»). Si sa lucidité est parfois éblouissante («Qu'est-ce que ce serait, un tableau, si ce n'était pas un signe? Un tableau vivant? Ah, bien sûr, si on était artiste peintre. Ma