Existe-t-il des intellectuels ailleurs qu'en France? Comment dit-on
intellectuel en anglais, en allemand, en espagnol, en portugais, en russe? Ces questions ne sont pas si incongrues, tant la notion d'intellectuel est longtemps apparue comme une spécificité française, née il y a un siècle avec l'affaire Dreyfus. Depuis, l'intellectuel est peu à peu devenu l'un des «hérauts de la geste républicaine française», dont le modèle s'est plus ou moins exporté, avec plus ou moins de variations selon les latitudes et les cultures. Curieusement, si les intellectuels français ont fourni la matière, surtout depuis une vingtaine d'années, de toute une historiographie, il n'existe pas d'équivalent en ce qui concerne leurs homologues des pays voisins, a fortiori d'autres continents.
Pour une histoire comparée des intellectuels comble un peu cette lacune. Cet ouvrage, le premier d'une nouvelle collection réalisée avec l'Institut d'histoire du temps présent, dirigé par Henry Rousso, présente, en effet, une partie des travaux menés par le Groupe de recherche sur l'histoire des intellectuels (GRHI), fondé en 1985 par Jean-François Sirinelli et aujourd'hui animé par Nicole Racine et Michel Trebitsch. Ces travaux sont encore partiels (l'Europe, l'Amérique, la Chine et l'Inde sont étudiés, mais pas le Japon, ni les pays arabes et africains), mais ils permettent de commencer à établir des comparaisons et en retour, peut-être, de mieux comprendre la singularité française. Si l'Italie et l'Espagne rés