Il y a un paradoxe Blanchot, que souligne bien l'«essai
biographique» de Christophe Bident: c'est que son fameux retrait de la scène littéraire et médiatique s'est accompagné d'un engagement d'homme public qui n'a connu que peu d'éclipses. Voici un homme dont il n'existe ni photo (ou presque) ni interview, qui ne s'est jamais montré en tant que tel, un écrivain qui n'a cessé de s'effacer derrière une oeuvre elle-même sous le signe de l'effacement, et, pourtant, depuis les années 30, ce même homme s'est sans arrêt impliqué dans la vie politique et intellectuelle, devenant au fil des décennies ce «partenaire invisible», pour reprendre le titre de l'ouvrage de Christophe Bident, dont l'éloignement, l'absence n'ont jamais signifié la désertion ni le silence. Maurice Blanchot est l'écrivain du retrait engagé.
'an dernier encore, alors qu'il allait sur ses 90 ans, Maurice Blanchot signait la pétition pour la désobéissance civile contre les lois Debré sur l'immigration; l'année d'avant, c'était pour la reconnaissance du couple homosexuel. Cette même année 1996, il quittait avec perte et fracas un de ses éditeurs, Fata Morgana, en apprenant qu'un livre d'Alain de Benoist, théoricien d'extrême droite et animateur du Grece, figure désormais au catalogue de la maison. Trois ans plus tôt, il a invité Salman Rushdie, condamné à mort depuis 1989 par une fatwa, à venir chez lui: «J'invite chez moi Rushdie (dans le Sud). J'invite chez moi le descendant ou successeur de Khomeiny. Je serai entr