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Le clin d'oeil de l'opticien, par DIDIER DAENINCKX.

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UN ÉTÉ 98. Faits divers d'été. Chaque jour, un écrivain de la Série Noire s'inspire d'une dépêche parue dans «Libération».
par Didier Daeninckx
publié le 29 juillet 1998 à 6h45

Libération: (26/09/91)

«Les quatre mois qui viennent de s'écouler ont dû paraître bien longs à C.L.F. Depuis le 4 juin, elle tenait seul le café familial du village de Loyat, près de Ploermel, et s'occupait de ses trois enfants. Elle rendait aussi visite à son mari Gilbert, 37 ans, hospitalisé à la suite d'un «accident». De jour en jour, elle pouvait suivre les progrès accomplis par son époux au centre de rééducation de Kerpape. Coma provoqué, puis paralysie partielle qui le prive de parole. Enfin, la semaine dernière, Gilbert est parvenu à articuler quelques phrases bien distinctes. Ce fut pour demander la gendarmerie. Et raconter que Colette avait tenté de l'envoyer ad patres"»

Ils sont venus, ils sont tous là, et je n'ai même pas eu besoin de crier ni même de lever le petit doigt. D'ailleurs, j'en suis bien incapable. Je ne pense pas qu'ils se soient donné le mot, mais ils sont tous en noir, sauf les gosses qui jouent dans le couloir et passent la tête, de temps en temps pour observer le mort vivant. Je sais, à leurs yeux, le dégoût que mon corps leur inspire. Les couples se sont relayés, tout au long du week-end, pour assurer leur faction sur le skaï fatigué des fauteuils placés de part et d'autre de mon lit. Les frères et les soeurs, les beaux-frères et les belles soeurs, les cousins et les neveux" Il faut au minimum en être là où j'en suis pour parvenir à rassembler la famille. Seuls mes parents n'ont pas quitté le pièce de la journée. Leurs regards tristes qui jamais ne