Les biographes ont la tâche ardue ces dernières semaines. Les
affaires François Pinault et Alain Delon ont très sérieusement écorné leurs ambitions d'enquêteurs. Par crainte de possibles représailles, Calmann-Lévy a renoncé cet été à sortir une biographie du puissant patron de la Fnac François Pinault. Et puis, par voie judiciaire, Alain Delon a réussi le coup magistral de faire interdire un livre dont aucune ligne n'avait été écrite. «Non à la bio-saloperie», s'est-il écrié dans France-Soir. «Oui à l'hagiographie», en a-t-on déduit. Reconstituer la vie de personnalités vivantes ou récemment décédées n'a jamais été une sinécure. La «judiciarisation» de la société française est devenue telle que le biographe vit désormais un enfer. Son éditeur ne se trouve pas mieux loti. Il doit rendre des comptes incessants à la justice (respect de la vie privée, droit à l'image, diffamation"). Souvent en monnaie sonnante et trébuchante. Soucieuse de défendre les individus, la justice frappe l'édition de plus en plus sévèrement. Quitte à malmener la liberté d'expression. Inquiets pour la santé de leur entreprise, beaucoup d'éditeurs courbent l'échine, minimisent leur responsabilité intellectuelle et se retranchent derrière des arguties juridiques pour justifier leur penchant à l'autocensure.
Avant de soumettre son projet de biographie de Delon aux éditions Grasset, le journaliste Bernard Violet l'avait proposé à deux autres grandes maisons. En janvier 1997, Danièle Nees, numéro 2 de Flammario