Votre roman est un règlement de comptes avec les années 60.
Les années 60 ne me plaisent pas beaucoup. Je préfère les années 50 avec leur optimisme, leur romantisme un peu con. Les années 70 ont été une malédiction, la génération du baby-boom est pleine de menteurs cyniques. Je l'ai toujours su, par fréquentation, y compris de mes parents. J'ai écrit pour un journal communiste, je n'ai jamais eu un problème. J'ai écrit pour une feuille gauchiste, je n'ai eu que des ennuis. Plus un endroit était censé libertaire, plus, au bout du compte, il était fliqué. Pareil avec des lieux communautaires: plus c'est autogéré, plus ça tourne à la catastrophe. J'ai été interne au lycée en pleine mode de l'autodiscipline. C'était horrible, un suicide tous les mois. Laisser des garçons régler leurs problèmes entre eux, ça tourne au carnage.
De cette époque, vous ne sauvez personne ni rien.
Un libertaire est un libéral en puissance, et le libéralisme est pour moi synonyme du mal. Cela dit, en vieillissant, je deviens social-démocrate, car l'organisation de la production dans les pays socialistes, ça ne marche pas du tout. Je ne suis pas réactionnaire. Pour l'être, il faudrait croire qu'on peut revenir en arrière. Or tout est irréversible. Je peux être au contraire d'un progressisme choquant.
En génétique notamment. Ne jouez-vous pas la carte du pire?
Rien n'arrêtera les généticiens, c'est une évidence. Et ils iront beaucoup plus vite que les législateurs, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il