IL y a un phénomène Houellebecq, quarante ans cette année: un essai, Rester vivant, publié confidentiellement en 1991 (en même temps qu’un texte sur Lovecraft), un premier roman paru en 1994, Extension du domaine de la lutte, un recueil de poèmes (le Sens du combat, 1996), et depuis, au gré d’«interventions» sous forme d’articles ou d’interviews dans les journaux ou les revues (aujourd’hui regroupés en volume sous ce titre), une réputation grandissante, l’instituant peu à peu comme le chef de file, sinon l’idéologue, d’une nouvelle génération, celle des enfants des soixante-huitards, sans héros et sans croyance, dépressive et iconoclaste, remontée contre la sauvagerie du libéralisme mondialiste et utilisant surtout la dérision comme expression de son «désarroi». Chronique de la souffrance et du désastre quotidien (en l’occurrence dans l’entreprise), Extension du domaine de la lutte cristallisait la critique du «monde comme supermarché» (de l’argent et du sexe) et la lasse déprime ambiante, accédant peu à peu au statut fourre-tout de «livre-culte».
Autant dire que le second roman de Michel Houellebecq était attendu. D'autant qu'il n'a jamais caché une certaine ambition: «Isomorphe à l'homme, le roman devrait normalement pouvoir tout en contenir», écrit-il ainsi en ouverture d'Interventions, en expliquant que la réflexion philosophique doit pouvoir être un «matériau romanesque» comme un autre. Les particules élémentaires s'inscrivent dans cette prétention. Il s'agit d