Il est certes «permis à une femme de ne pas ignorer que Pékin n'est
pas en Europe», mais pas plus, car, «dès qu'elle veut émuler l'homme, elle n'est plus qu'un singe». Passe qu'un Joseph de Maistre ait écrit de telles sottises: c'était un fieffé réactionnaire. Mais que dira-t-on de Kant: «Une femme qui sait le grec est si peu une femme qu'elle pourrait bien avoir une barbe»? Qu'il avait bu? Et du bon Spinoza: «Si les femmes étaient par nature les égales des hommes, si elles avaient au même degré la force d'âme et les qualités d'esprit ("), parmi tant de nations différentes, il ne pourrait pas ne pas s'en trouver où les deux sexes règnent également, et d'autres où les hommes seraient régis par les femmes ("). Mais cela ne s'est vu nulle part»? Qu'il était vieux et fatigué, à en oublier Christine de Suède ou Elisabeth d'Angleterre?
Dans le livre de Michèle Le Doeuff, le Sexe du savoir, on trouve épinglés d'autres tableaux de ce sexisme si ordinaire qu'il empâte même la plume de ceux ou celles qui sont censé(e)s penser au-delà de l'«ordinaire». De Platon à Jacques Derrida, de Merleau-Ponty à Luce Irigaray («la femme qui s'approchera du théorique perdra sa jouissance»), de Rousseau à la psychanalyste Helen Deutsch, jusqu'aux théoriciennes de la feminist epistemology, personne n'est épargné. De là à considérer le Sexe du savoir comme un brûlot féministe, apte à débusquer des formes toujours vivaces du machisme, il n'y a qu'un pas. Ce serait un faux pas, pourtant. Aujourd'hui à Oxf