On a beau fouiller, rien. Dans l'une des plus grandes librairies de Detroit, au Michigan, Jim Harrison est aux abonnés absents. Même son nom n'évoque rien au vendeur: «Vous parlez de Toni Morrison, peut-être?» Pour dénicher en un tour de main l'un des bouquins de l'Américain, mieux vaut fréquenter une librairie parisienne. La Route du retour, son dernier opus (1), plastronne en tête de gondole. Dalva, l'un de ses précédents ouvrages, est en rupture. Harrison, délaissé dans ses grandes plaines, est une star en France. Pas un nom qu'on se refile entre initiés, ils l'ont tous adoubé depuis dix ans, mais une pointure pour plateaux de télévision.
Sauf que ce succès récent a comme un goût de méprise, qui tient plus à la légende que trimbale le bonhomme du haut de son mètre quatre-vingt massif, à sa cabane en rondins, à ses mémorables bringues, qu'à ce souffle littéraire qui lui vaut d'être l'un des plus grands écrivains de cette fin de siècle. Le livre deviendrait l'accessoire de l'homme. Il s'en défend en calculant les années et les pages. «Aujourd'hui, je suis à la mode, parce que j'ai 60 ans et quinze bouquins derrière moi. Des types se disent que c'est une oeuvre, pas comme lorsque je sortais avec trois nouvelles à leur donner. C'est juste une question de fiabilité pour des critiques pas trop sûrs d'eux.»
La Route du retour n'est pas son meilleur livre, mais le public n'a pas soif d'explications de texte et préfère écouter les belles histoires de cet oncle d'Amérique. Alors il s