Nulle romancière anglaise si l'on excepte Jane Austen n'a su, mieux que Miss Anita Brookner, faire de la solitude, compagne tyrannique de la plupart de ses héroïnes, le ressort d'une fiction délicatement obsessionnelle, timide et obstinée, quelquefois terne aussi, faut-il l'avouer? Au fil d'une quinzaine de livres d'une qualité d'intrigue inégale mais qui témoignent de l'effort constant d'un écrivain qui paraît suivre à la lettre les conseils de son maître Henry James, cette investigatrice de l'âme célibataire a créé quelques types remarquables de femmes, frêles, apparemment désemparées mais qu'anime toujours le souci d'une salvatrice élévation par l'art et les voyages. Venise et Paris sont les lieux que Brookner, longtemps chargée de cours à l'Institut Courtauld de Londres et l'auteur d'une remarquable monographie consacrée au peintre David , a choisis pour décors de ses fictions tranquilles et subtilement tourmentées.
Avec le temps, la fiction de cette esthète, qu'on imagine aussi solitaire et désabusée que ses créatures, a progressé vers une forme de récit dans laquelle les événements ordinaires de la vie revêtent un sens encore plus essentiel, mais avec toujours ce zeste d'humour qui tempère l'humeur très sombre de sa vision. Mrs May est âgée de 70 ans, veuve et méthodiquement confortablement aussi installée dans la solitude de son bel appartement londonien donnant sur un jardin qu'elle passe de longues heures à observer, n'aspirant qu'à la paix de son âme un p