Dans Hors-les-murs, qui clôt son oeuvre «autoromancée», Boris
Schreiber se fait interviewer par une journaliste imaginaire, Chantal Rouve. Elle ambitionne d'écrire un livre sur lui. «Mon étude?, dit-elle. Elle traitera de la méconnaissance subie par un créateur. Vous, en l'occurrence.» Elle l'interroge sur l'«enfer littéraire» qui a succédé à l'«enfer adolescent» raconté dans Un silence d'environ une demi-heure (prix Renaudot 1996, paru ensuite dans la collection «Folio»). Après chaque brassée de questions, l'auteur fore plus profond dans sa vie.
Tarder à être publié, et mal, à compte d'auteur parfois, comme chez Pierre Belfond. Essuyer le refus de Maurice Nadeau et des pontes de Gallimard. Voir paraître dix romans, et ne jamais être reconnu. Du moins, reconnu comme un génie. Tel est le drame de Boris Schreiber, jusqu'à ses premiers récits autobiographiques, le Lait de la nuit (1989) et le Tournesol déchiré, où apparut l'indestructible trinité. Le père, qui a reconstruit trois fois sa fortune, et qu'on a suivi de la soupe populaire d'Anvers aux palaces monégasques, en partant de Russie; le fils proprement unique; la mère, d'où vient le malentendu: «Selon maman, personne n'arrive à ma hauteur. Et comme aucune mère n'égale la mienne" Génie. Son Borinka: un génie. Et tous s'inclineront. Le voilà mon chemin: marcher vers cette promesse.» Rage, désespoir, personne ne s'est incliné. En fait, il n'a rien écrit qu'il se sait déjà incompris.
Il a eu 20 ans en 1943. Juif, il a travaill