De prime abord, on ne comprend rien. On voit mal, plutôt. Comme si
d'étranges phosphènes faisaient l'oeil amblyope et trouble, ou, papillonnant sur les caractères, rendaient le texte diapré, scintillant, aveuglant pour tout dire. L'empathie, probablement, ou la contagion. Car, myope, victime des «magies affolantes» de la malvision, c'est «elle», Hélène Cixous, qui l'est. Qui l'était. Jusqu'à ce que le miracle d'une chirurgie ne descelle «la paupière dans laquelle son âme gisait cousue» et ne perce au laser son «voile natal imperceptible». Voiles, en sa première partie quelques pages, Savoir, qui brûlent les yeux est le poème de la vue recouvrée. Tout devrait s'éclairer dès lors, et l'oeil (du lecteur) s'illuminer de voir la narratrice voir venir la vue. «Elle voyait le lever du monde ("). Sous le coup de l'apparition, elle éclatait de rire. Le rire des accouchements.» Du plaisir des yeux, elle était familière: elle «avait déjà vu tout cela», autrement dit, mais d'une vision d'emprunt, de cette «vue séparée» qu'offrent verres et lentilles, dont on dit par ironie qu'elles sont «de contact». Ce qu'elle connaîtrait à présent, c'est la jouissance de cesser-de-ne-pas-voir, de voir-à-l'oeil-nu, de voir que voir est en réalité toucher, donner, aimer, établir «la continuité de sa chair et de la chair du monde»: «Elle n'avait pas su la veille que les yeux sont des mains miraculeuses, n'avait jamais joui du délicat tact de la cornée, des cils, les mains les plus puissantes, ces mai