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Libération
Critique

Cixous l'oeil nu

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Recouvrer la vue, c'est renaître et assister au lever du monde. Mais «perdre» sa myopie, n'est-ce pas aussi un deuil? Point de vue d'Hélène Cixous, auteur avec Jacques Derrida d'un livre à deux voix, «Voiles».
publié le 24 septembre 1998 à 10h21

Nul n'est prophète en son Paris ­ où elle habite, entre la place

Denfert et le parc Montsouris: on lit moins Hélène Cixous en nos contrées universitaires et médiatiques qu'aux Etats-Unis ou en Inde (via les traductions anglaises). On connaît mieux son brillant parcours, balisé par les noms de Joyce, Lacan ou Derrida, depuis le prix Médicis reçu en 1969, à l'âge de 32 ans, pour son premier roman, Dedans, jusqu'à sa collaboration avec le Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine, en passant par la revue Poétique ou la philosophie de la «différence sexuelle». Ses détracteurs lui reprochent un style trop «psychanalysant». On la connaît de nom, mais son nom même se retrouve, par le hasard objectif d'une coquille en couverture de Voiles, modifié en Cixoux. Certains lecteurs l'auront remarqué, d'autres non: «C'est l'inscription même du livre à sa surface, ça se redistribue à l'infini sur le thème du voile», s'amuse-t-elle. En prélude à la lecture de ce livre partagé avec Derrida (elle y signe Savoir, lui Un ver à soie), nous avons demandé à Hélène Cixous de lever le voile sur quelques moments (d'une partialité assumée) biographiques et théoriques. Elle a souhaité repriser au plus près certains accrocs conceptuels que nous avions fait subir à sa voix: c'est le moins qu'on pouvait accorder à cette pensée soyeuse et guipée.

Comment l'écriture vous est-elle venue?

Par croisements. C'est comme une légende, mais vraie. J'ai été sauvée par le livre, dans une petite enfance très politique. Mon mi