Menu
Libération
Critique

Schiller, retour en grâce. Par Friedrich Von Schiller (1759-1805), une des premières tentatives d'explication philosophique sur les conditions d'une humanité libre et émancipée que Kant appelait de ses voeux. Friedrich von schiller, De la grâce et de la dignité, Traduit par Constance Chastenet, préface de Jean-Pierre Faye. Hermann, 108 pp., 90 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 1er octobre 1998 à 13h08

«La noblesse, même si un certain degré de beauté la pare, n'est pas

assurée de plaire sans la grâce.» Cette phrase peut produire l'effet morbide d'une épitaphe. Elle saisit en peu de mots la leçon d'une existence tout entière, sur un ton presque cruel: ta noblesse d'âme et ta beauté physique ne t'auront garanti aucun succès réel dans le commerce des hommes, ces précieuses qualités humaines ne t'auront condamné qu'à une solitude malheureuse, car il te manquait la «grâce».

Etait-ce l'intention de Friedrich von Schiller (1759-1805), de lancer un tel avertissement à l'humanité lorsqu'il écrivit ces lignes? Elles apparaissent au début d'un court essai, publié en 1795, portant un titre qui lui-même ne manque pas de gravité: De la grâce et de la dignité. Enfin traduit en français, ce texte illustre la philosophie du penseur allemand au moment de sa «pleine majorité». Auteur d'oeuvres dramatiques sulfureuses, et grand représentant de ce qu'il est convenu d'appeler l'«ironie romantique», Schiller, après bien des déboires politiques et un exil de Stuttgart, fut nommé professeur d'histoire à Iéna en 1789. C'est à partir de ces années qu'il s'attache à l'étude de Kant. De la grâce et de la dignité compte parmi les premières tentatives d'explication philosophique sur les conditions de possibilité d'une humanité libre et émancipée, que l'auteur de la Critique de la faculté de juger avait appelée de ses voeux.

Aphrodite prêta à Junon la «ceinture dotée du pouvoir d'octroyer la grâce à qui la