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Interview

L'envers du verlan Autour d'un nouveau dictionnaire de la tchatche, entretien avec un linguiste de terrain et plongée dans une fracture sociale grave de chez grave. Jean-Pierre Goudailler. Comment tu tchatches. Deuxième édition, revue et augmentée. Préface de Claude Hagège. Maisonneuve et Larose. 264pp., 120F.

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publié le 8 octobre 1998 à 13h39

Jean-Pierre Goudailler est le premier linguiste universitaire (il

est vice-doyen de l'université René-Descartes-Paris-V) à publier un dictionnaire de la «tchatche». D'«avoir les Obispos» ­ les boules, Pascal Obispo est considéré comme «trop clean» ­ à «se faire bugser» ­ se faire carotter, de Bugs Bunny ­ en passant par «carbichounette» (petite amie) et «carte bleue» (fille particulièrement maigre), il livre les derniers-nés de cette langue en mouvement. Il décortique aussi les techniques. Après lecture, impossible d'ignorer la nature de ces autres «gros mots» que sont les «redoublements hypocoristiques après aphérèse» (comprendre «leur-leur» pour contrôleur) ou de ces «resufixation après troncation» (entendre «dicdic» pour indic).

Comment procédez-vous pour réaliser votre dictionnaire?

Je travaille avec des groupes de dix personnes (12-18 ans) à Noisy-le-Sec, Marseille et Cergy, rencontrées via les associations locales ou les services municipaux de la jeunesse. Je n'arrive pas avec une casquette à l'envers et je parle leur langue, sans mettre l'accent ­ ce serait les singer. Je leur explique comment le mot fonctionne, ils me fournissent les termes. Qu'est-ce qui vous a poussé à aller sur ce terrain?

C'est la suite logique de toutes les études que j'ai entreprises, notamment sur l'argot. La phrase de Boudard: «On va retirer nos économies à la caisse d'épargne», c'est de l'argot crypté de «métier» pour dire on va faire un casse. Aujourd'hui, dans les cités, on a des argots iden