Menu
Libération
Portrait

Le clan du Sicilien

Article réservé aux abonnés
A 73 ans, Andrea Camilleri, scénariste et romancier estimé mais confidentiel, a trouvé une seconde jeunesse avec ses polars sur la Sicile qui trustent les têtes de listes des best-sellers. Rencontre à Rome avec le père du flic Montalbano, et détour sur les «Dernières Cartouches» de Cesare Battisti, exilé à Paris et héraut des années de plomb.
publié le 8 octobre 1998 à 13h37

Sur le dos de la porte de son appartement romain, il a accroché une corne de plastique rouge offerte par son libraire pour conjurer le mauvais oeil des jalousies. Il en a une autre ­ en argent ­ dans la poche. «J'y crois sans trop y croire, mais on ne sait jamais», souligne Andrea Camilleri, superstitieux mais ironique, encore surpris de l'envahissant succès de son personnage, le commissaire Salvo Montalbano, devenu le nouveau héros des Italiens, toutes générations et tendances politiques confondues. Comme lui, il est sicilien de naissance. Et il le reste de passion, même après un demi-siècle dans la capitale. Comme son policier désabusé, il aime le vin de l'île et les sarde beccafisso (sardines farcies), mais n'a guère d'illusions sur les hommes ou la politique, bien qu' il garde le coeur à gauche. Et comme lui, il a dû se convaincre que «la vérité coïncide rarement avec la justice». Sa gloire soudaine l'embarrasse. On l'arrête dans la rue pour donner des conseils matrimoniaux à son héros qui semble se complaire dans son amour à distance avec la Génoise Livia. Il croule sous les lettres. Quand il parle dans les librairies, il fait désormais toujours salle comble. «Un soir, une femme s'est approchée avec deux enfants ensommeillés, me demandant de leur donner une caresse comme si j'étais Staline ou Padre Pio», raconte l'auteur de la Forme de l'eau, le premier roman des aventures de Montalbano qui vient d'être traduit en français. il y a encore un an, ce tranquille septuagénai