Françoise Sagan ne voulait pas écrire ses mémoires, mais elle les
écrit quand même, un peu à la manière d'Elizabeth von Arnim dans Tous les chiens de ma vie. Elle passe en revue tous les romans de son oeuvre, de Bonjour tristesse à Un chagrin de passage elle oublie le récent Miroir égaré, ainsi le compte est bon, 1954-1994. L'idée n'est pas plus mauvaise qu'une autre, Derrière l'épaule est comme le recueil Avec mon meilleur souvenir, très bien, léger, rapide, sans forfanterie. L'auteur a été vaccinée jeune par le succès.
Les détracteurs de Sagan la croiront volontiers quand elle dit: «Que l'on me croie ou pas, je n'ai jamais relu mes livres.» Les vrais amateurs se réjouiront qu'elle apprécie, comme eux, le méconnu Garde du coeur (1968), histoire hollywoodienne d'un jeune amant attentionné. Il tue ceux qui n'ont pas été gentils avec l'héroïne adorée. «Le livre fut écrit en un mois, un mois délicieux que nous passâmes au soleil froid de l'automne, à cueillir des champignons; ma soeur à concocter des menus exquis, pendant que je concoctais des meurtres abominables.» Pourquoi peut-on à la fois passer son temps à se promener et à travailler? Françoise Sagan, bien qu'elle avoue n'avoir aucun goût pour Alice et consorts, donne parfois le sentiment que pour elle, écrire consiste à se glisser dans des anfractuosités où personne ne la voit disparaître. «La littérature est une longue et tempétueuse syncope», dit-elle par exemple, et elle emploie des mots que personne n'ose plus invoqu