Haraldo de Campos, né en 1929, se fit connaître en fondant un
mouvement de poésie concrète nommé Noigrandes (la fleur qui éloigne l'ennui). C'était à São Paulo, en 1952, mais ç'aurait pu être ailleurs puisque Campos et les autres se prétendaient les représentants du legs universel de la poésie. Tout commença avec la «parole-conque qu'Homère souffla et qui se laisse transsouffler» pour s'achever provisoirement avec eux, les derniers transsouffleurs en date. Les Noigrandes ne manquaient donc pas d'ambition et ils avaient des théories, au reste pas si concrètes. Galaxies, recueil publié en 1976 au Brésil, aujourd'hui intégralement traduit (et très bien) par Inês Oseki-Dépré et l'auteur, a droit à ce prière d'insérer encourageant: «à l'extrême limite de la poésie et de la prose, pulsion bioscripturelle en expansion galactique entre ces deux formants échangeables et changeants, (") qu'aujourd'hui, rétrospectivement, j'aurais tendance à voir comme une insinuation épique se résolvant en une épiphanie». L'emphase théorique fait partie du jeu, c'est-à-dire de la définition de la poésie selon Campos. La poésie est exagération, jouissance du mot et du néologisme, mélange des langues, autoengendrement du texte, processus circulaire qui fait avancer le poème en spirale. Haraldo de Campos se qualifie lui-même de poète baroque et anthropophage, du nom d'un mouvement littéraire brésilien des années 20; soit un écrivain qui avale les hommes, les langues, les livres, et les régurgite dans