A quelle foncière empathie le commerce, une vie durant, de
Jean-François Lyotard avec saint Augustin fait-il signe? Quelle facette de sa propre personnalité le philosophe athée aimait-il retrouver dans le miroir du père de l'Eglise? La publication de la Confession d'Augustin, ouvrage posthume et inachevé (Lyotard est mort, à 72 ans, des suites d'une leucémie au printemps dernier, cf. Libération du 22 avril 1998), apporte quelques bribes de réponse, qui ne font que relancer les interrogations. La raison de cet intense compagnonnage remonterait-elle aussi loin que son adolescence, quand, tenté par le sacerdoce, Lyotard fit une retraite dans un monastère dominicain? Ou faudrait-il chercher du côté de son séjour, comme enseignant, en Algérie dans les années 50, sur le sol même qu'avait foulé Augustin, fils de citoyen romain, et donc pied-noir avant la lettre? Ne serait-ce pas plutôt la «modernité» du nouveau pli que le saint fait prendre au souci de soi des anciens de l'extériorité civique à l'intériorité de l'âme, véritable Cité de Dieu qui retiendrait le philosophe postmoderne? Tout cela sûrement et autre chose, pour l'auteur de l'Economie libidinale. Notamment, cette reconnaissance de l'humanité de l'attirance de la chair, de la souveraineté du désir, de l'emprise de la chose sexuelle, que les Confessions d'Augustin sont chargées non pas de refouler, mais de tenir en respect, et, pour mieux en combattre l'empire, de décrire d'une manière saisissante.
C'est la duplicité des