Bruce Benderson va bien, merci. Nous l'avions laissé en pleine rage
new-yorkaise, occupé de teenagers et de toxicos, regrettant la fin du formidable détonateur libidinal qu'était pour lui le quartier louche de Times Square à Manhattan. C'était en 1995. Times Square est mort depuis, mais pas oublié (voir ici l'«épilogue sur la perte de Times Square») et nous retrouvons Bruce maqué avec un jeune Canadien qui s'exhibe en temps réel sur le Net, ayant fait publier un prostitué de 17 ans nommé Terminator et, pour ce qui nous concerne, papa d'un essai sur l'absorption des mouvements gays américains par l'idéologie rampante des classes moyennes: Pour un nouvel art dégénéré.
Si, globalement, cet inédit revient sur les thèmes favoris de Benderson, à savoir que la classe moyenne est une cage de Faraday libidinale d'où sont issus la plupart des artistes (si bien que «l'underground d'aujourd'hui n'a pas produit d'avant-garde» réellement «dégénérée», capable d'utiliser l'énergie sexuelle de la véritable marginalité), c'est aussi une autobiographie extralucide qui met en perspective trente ans de la vie d'un baby-boomer gay et américain. Fils d'avocats d'une banlieue résidentielle, Bruce commence donc par se taper en 1969 toutes les backrooms de San Francisco «et, les cheveux emmêlés, en jeans déchirés», participe «à des piquets de protestation devant des stations de radio homophobes», organise «des orgies sur des bancs d'église» ou envahit «un congrès de l'association des psychiatres améric