«Si j'étais encore un bébé, la première expression que je demanderais qu'on m'apprenne: c'est «Allez-vous-en!»» Cette notation, qui date de 1947, est une des premières des Carnets de Roland Dubillard et montre bien que la solitude et la marginalité sont bien ancrées en lui. L'écrivain, dramaturge, acteur, poète et homme de radio né en 1923 publie aujourd'hui, onze ans après un accident vasculaire qui l'a laissé hémiplégique, ces notes qui couvrent inégalement les années 1947 à 1997 (voir chronologie plus loin). Il y a, selon l'expression de Diane Henneton, une «chronologie totalement perturbée» dans ces Carnets, certains retournent en arrière, plusieurs sont de la même période, Roland Dubillard suit plus la continuité de ses pensées, de ses sentiments et sensations que celle de son existence même. Ils ne semblent pas avoir été destinés à la publication à l'origine. S'y mélangent, comme dans le Journal de Kafka, aphorismes, souvenirs, idées pour des travaux en cours, débuts de textes, pensées sur le théâtre et réflexions personnelles. «Je compris que les passants réagissaient à mes idées comme à de simples annexes de mes viscères.» C'est un travail avant d'être une oeuvre, et c'est aussi ce qui en fait un livre si intéressant, document sur le lien, une vie durant, d'un écrivain à l'écriture.
Ces Carnets montrent la noirceur de l'univers dans lequel Roland Dubillard exprime son humour et sa fantaisie. «Si la très mauvaise opinion que je viens de me faire de moi-même résiste à