Elsa Triolet, quand elle ne s'appelle pas encore comme ça et habite
à Moscou chez ses parents, M. et Mme Kagan, bourgeoisie juive aisée, musique et bals masqués, se dégoûte de s'intéresser si fort aux garçons sans arriver à rien de satisfaisant qui ressemble à de l'amour. Elle se trouve trop sensuelle. Mais elle garde espoir: «C'est vrai, je parle avec certains et j'en embrasse d'autres, celui avec qui je ferai les deux sera peut-être celui que j'aimerai.» Elle rencontre Aragon, on le sait, en 1928. Ils ne se quittent plus, elle meurt en 1970, elle était née en 1896. Auparavant, ce qu'on sait moins, elle va vivre jusqu'à la lie la phrase des Souvenirs de Gorki qu'elle cite souvent: «Mais soudain comme à son insu il éprouva le danger de la vie.» Elle a 16 ans et ne s'aime pas. Le journal des années 1912-1913 avec lequel s'ouvrent ces Ecrits intimes inédits ils contiennent aussi des lettres et de très beaux fragments autobiographiques est un classique épanchement adolescent. Rien ne résume mieux l'ingratitude de la période que l'adorable Fraise-des-Bois, roman russe des débuts (1926) tout en ellipses et poésie: «J'ai tout le temps envie d'écrire combien je suis mauvaise. Tout ce qu'il y a en moi de calcul, de froideur, de vice. Je ne plaisais à Alek que parce qu'il croyait que je l'aimais.» Et aussi: «Qu'elle est bonne et quelle saloperie je suis.» C'est ce que pense l'héroïne en regardant dormir sa meilleure amie, et c'est à peu près l'opinion qu'Elsa Triolet conserve d'e