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Libération
Critique

La cadette de leurs soucis. Un mère enfuie, un père absent: l'histoire d'une petite fille qui a surtout appris à ne pas déranger les grandes personnes. Premier roman d'une Bâloise de 24 ans. Zoë Jenny, La Chambre des pollens, Traduit de l'allemand par Nicole Roche, Gallimard, 138 pp., 85 F.

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publié le 22 octobre 1998 à 12h20

Zoë Jenny n'avait pas 23 ans lorsqu'elle publia l'an dernier en

Allemagne la Chambre des pollens, un premier roman à la dureté poétique. C'est une très jeune femme solitaire, Jo, qui en est la narratrice éprouvée. Il s'agit d'une histoire d'amour universelle, celle d'une petite fille de trois ans dont les parents se séparent et que sa mère délaisse après son divorce, jusqu'à disparaître pendant douze ans. L'amour dure. Les images mentales, les premiers liens affectifs sont incrustés dans le corps de la fillette, sans même qu'il y ait besoin de recourir à la mémoire pour les évoquer. Si bien qu'à dix-huit ans, après l'équivalent du bac, Jo part à la rencontre de celle qu'elle ne connaît plus et qui ne l'attend pas. Ce que décrit Zoë Jenny, ce ne sont pas les événements, ni même le pathétique des situations. Elle ne cherche pas à provoquer l'identification du lecteur par la souffrance évidente de la narratrice. La chronologie tombe à la trappe, et avec elle les jugements moraux, tel l'égoïsme. Mais l'écrivain restitue les perceptions, notamment visuelles, de la toute petite fille et de la jeune adulte. Pour l'enfant de trois ans, c'est l'explosion d'un monde. «Lorsque ma mère partit s'installer dans un autre appartement, quelques rues plus loin, je restai chez mon père», dit la première phrase du texte, sobrement. Le père est chauffeur livreur de nuit, petit éditeur de jour, si bien qu'en même temps que les livres envahissent la maison il laisse son enfant seule face aux mons