Genève, de notre correspondant.
C'est un colis de 3,300 kilos délivré par la poste un jour de décembre 1995. A l'intérieur se trouve le récit de dix-sept ans d'une vie. L'homme qui reçoit le paquet est un romancier et informaticien genevois, Daniel de Roulet, ex-architecte et ex-journaliste. Phénomène peu banal, la vie qui est décrite dans le colis postal, c'est la sienne. Il découvre une tranche de son existence écrite par procuration, documentée, semaine après semaine, par les services helvétiques de police. Daniel de Roulet va alors partir en quête de cet autre lui-même. Il se met à raconter sa propre vie sous forme d'enquête, car comme le dit son dossier de police: «Cette littérature est plus efficace qu'une manifestation de rue.» Résultat: Double, un récit sec et rapide et un regard acéré sur la Suisse. Un avertissement précède le livre: «Les personnes mortes ou vivantes, les endroits, les situations, tout est vrai dans ce texte. Aussi vrai que la Terre est plate, disaient les Anciens. En toute bonne foi.» On l'a compris. Le statut de la vérité est chose compliquée. Surtout lorsque l'on vit en Suisse durant les années de guerre froide et qu'à 20 ans l'on refuse le douillet avenir tracé par la famille et la société, salon de thé zurichois avec vue sur le siège d'une grande banque. La police est alors prisonnière de sa paranoïa anticommuniste. Avant que le scandale ne finisse par éclater en 1989, elle fiche à tour de bras des centaines de milliers de personnes, syndica