Premier livre qu'elle a écrit en exil, Enfance, au féminin paraît
alors même que Taslima Nasreen a décidé de retourner au Bangladesh. Elle avait dû quitter son pays natal en 1994 à la suite de poursuites judiciaires et d'une violente campagne des intégristes musulmans contre elle et contre son roman Lajja, qui décrivait les exactions des musulmans contre la minorité hindoue du pays après la destruction de la mosquée d'Ayodhya, en Inde. Depuis qu'elle est rentrée chez elle en septembre dernier, en provenance de Stockholm et de New York, Taslima Nasreen affronte à nouveau la colère de ses adversaires: des manifestations hostiles ont eu lieu dans les rues de la capitale, et un tribunal de Dacca a lancé un nouveau mandat d'arrêt contre elle pour blasphème. Mais l'écrivain semble avoir préféré les risques d'un retour mouvementé à la prolongation d'un exil que de toute évidence elle a mal supporté, notamment pendant son séjour dans les froideurs scandinaves. Dès l'ouverture de ses souvenirs d'enfance, elle écrit: «Le moi qui partout, en Occident, reçoit un accueil chaleureux, donne des conférences du haut de toutes sortes de tribunes, ce n'est pas mon véritable moi.» C'est ce vrai moi qu'elle s'efforce de reconquérir à travers ce livre de souvenirs, de la petite fille garçon manqué de Mymensingh à l'adolescente révoltée par les excès de la religion et les injustices faites aux femmes. Récit autobiographique autant que document ethnologique qui plonge au coeur d'une famille banglada