Nombreuses sont les voies qui mènent à l'engagement, et
mystérieuses, souvent, les raisons. Dans les années 60, le thème s'est installé au coeur des discussions philosophiques il suffit de rappeler Sartre et la figure de l'«intellectuel engagé» est devenue courante. Il est vrai qu'alors les partages étaient nets, les camps bien séparés, comme était irrésistible la propension à ranger tout le bien d'un côté et tout le mal de l'autre. Il n'en est plus tout à fait ainsi. Des idéaux sont cul par dessus tête, et, des causes les plus nobles, on a découvert quelque face hideuse. De chute en révision, les raisons déraisonnables d'espérer que la justice triomphe, que la liberté soit de tous, que nul ne soit privé de légitimes droits" sont devenues de raisonnables raisons de désespérer. La notion même d'engagement, du coup, semblait avoir les ailes plombées ! jusqu'à ce que certains mouvements sociaux récents ne les délestent, ne montrent que «tout ne se vaut pas» et qu'il est encore des «raisons d'agir». D'une époque où l'engagement s'est en tout cas imposé à une génération comme une évidence, témoignent les itinéraires de deux intellectuels de gauche, André Mandouze et Pierre Vidal-Naquet, dont les hasards de l'édition font qu'on peut lire simultanément les mémoires. Intellectuellement, l'un, André Mandouze, a élu domicile dans la Rome antique et dans l'Afrique romaine de saint Augustin; l'autre, Pierre Vidal-Naquet, dans la Grèce ancienne et la démocratie d'Athènes. L'un est