Et Dieu créa la femme venait de sortir. Brigitte Bardot était sur
tous les murs. En regardant de plus près les affiches qui la montraient en tenue légère, on pouvait apercevoir, «à l'endroit de son anatomie que vous pouvez imaginer», de petits papillons collés à la hâte: «Libérez Mandouze». Des graffitis hostiles les recouvraient parfois: «Mandouze Traitre. Algérie française». C'était l'hiver 1956. A Paris, se crée un comité de soutien, présidé par François Mauriac. André Mandouze quittera la prison de la Santé le 19 décembre. Ses étudiants, qui avaient organisé maintes manifestations en sa faveur, le retrouveront dès le lendemain à Strasbourg: il leur parlera d'épigraphie chrétienne, de patristique et de saint Augustin.
André Mandouze publie aujourd'hui ses Mémoires d'outre-siècle. Il a 82 ans. Si on le faisait parler de sa famille, de sa «compagne-compagnon» Jeannette Bouissou, de leurs sept enfants, de la «tribu» des petits-enfants l'album-photo en accordéon, posé sur le buffet, fait bien deux mètres , il serait probablement intarissable. Il est loin d'avoir élu retraite dans le havre des souvenirs familiaux, pourtant. Le feu politique continue de le brûler. Il reste prompt, catholique, à railler ceux que l'amour du Christ transforme en béni-oui-oui ou en furieux intégristes, prêt, homme de gauche, à fustiger une gauche trop timide ou trop élégante. Il semble craindre, d'ailleurs, que la sortie de son livre ne réveille de vieux démons, n'incite quelque nostalgique de l'