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Libération
Critique

Manhattan par le sentier

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Loin des stéréotypes du «tailleur juif» et de la «midinette parisienne», une histoire comparée de la confection à Paris et à New York, entre 1880 et 1980, et des flux d’immigrés qu’elle a drainés.
publié le 29 octobre 1998 à 12h49

Chercheuse franco-américaine à la double culture, spécialiste del ’histoire juive autant qu’industrielle, Nancy Green avait naguère consacré au Pletzl (le Marais) de Paris et à ses travailleurs juifs un premier livre (1). Elle les retrouve aujourd’hui dans un ouvrage d’une toute autre ampleur, puisqu’il concerne la confection et les immigrés à Paris et à New York (1880-1990), dans une perspective résolument comparative. Du Sentier à la 7e Avenue: voici un siècle de ce «prêt-à-porter» (ready to wear, ready mode, sportswear ») qui a révolutionné nos rues et nos vies, industrie de main-d’oeuvre, lovée dans les «niches» de deux grandes cités. Longtemps négligée par une histoire industrielle axée sur les grandes usines de la seconde révolution industrielle (mines, métallurgie, construction automobile), la confection apparaît désormais comme le prototype de la production moderne, et d’abord par sa flexibilité. Flexibilité de l’offre qui permet de répondre rapidement au renouvellement incessant de la demande liée à la démocratisation de l’apparence; flexibilité du capital, mobile, faillible, mais aisément mobilisable, fuyant aussi (et, sur ce point, on reste un peu sur sa faim); flexibilité des structures de production, avec agencements subtils entre grands ateliers, usines mêmes comme la fabrique Triangle de New York, ravagée en 1911 par un incendie qui fit 56 morts, ateliers familiaux et ethniques, travail à domicile des ouvrières en chambres, reliés par d’innombrables livreurs e