Menu
Libération
Critique

Un Condé à Cuba

Article réservé aux abonnés
Un Marlowe tropical enquête sur le meurtre d’un travesti: entre mensonge et mélancolie, troisième polar, non censuré, d’un Cubain de La Havane.
publié le 29 octobre 1998 à 12h48

D’emblée, on est dans les décombres et le désastre. Décombres d’unev ille, que l’utopie a dévastée, que les pénuries ont ruinée et à laquelle une chaleur harassante, «châtiment sans appel ni circonstances atténuantes, prêt à ravager l’univers visible», donne le coup de grâce. Désastres des vies, raturées parce qu’on les a jugées incompatibles avec cet homme nouveau que l’idéologie castriste voulait accoucher au forceps. Comme l’existence du dramaturge Alberto Marqués, brutalement tombé du haut de sa gloire sous l’accusation d’avoir voulu contaminer la jeunesse avec une esthétique petite-bourgeoise et une homosexualité affichée. Pour ce Socrate cubain, la ciguë sera la condamnation à un exil à perpétuité dans son propre pays. Mais l’ironie du vieil homme est restée vive et son intelligence aiguë. Elles vont fasciner Le Conde, flic «hétérosexuel macho-stalinien», en délicatesse avec sa hiérarchie et déjà bien désabusé, qui vient rencontrer le paria en enquêtant sur le meurtre d’un jeune travesti. Tout le livre repose sur la rencontre de ces deux hommes. Rencontre de deux mélancolies, de deux âmes rudérales, de deux hommes qui s’avancent à visage découvert à la recherche de leur vérité. Car tous les autres personnages campent, masqués, derrière le mensonge, les fausses certitudes, les paravents trompeurs, seules façons de survivre dans le Cuba postrévolutionnaire des années 90. Le titre en espagnol du roman est d’ailleurs Mascaras. Ecrivain cherchant sa liberté dans un pays