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Libération
Critique

Zaoui, ronde de nuit. Peut-on plier la réalité aux fables et l'individu à la communauté? Entre sexe, famille et Coran, le nouveau roman de l'écrivain algérien Amin Zaoui jette du sel sur les plaies. Amin Zaoui. La Soumission. Le serpent à plumes, 154 pp., 89 F.

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publié le 29 octobre 1998 à 12h48

C'est dans un exil qu'il compare à une «longue insomnie» à Caen où

il est réfugié depuis 1995, qu'Amin Zaoui a rédigé son quatrième roman, mais seulement le second en français. L'insomnie, heureusement, a quelque chose de bon: de la même façon qu'elle est le moteur des Mille et Une Nuits, elle inquiète le récit de cette Soumission des femmes et des enfants aux pères et au maris. «Que je puisse vous raconter, cela veut dire: c'est la nuit»: le roman brasille de brefs éclats dans le mutisme des censures, prononçant si vite des choses si terribles (choses du secret des familles et de ce que les gens s'y font subir) que c'est peut-être l'effacement qui voudrait en être dit.

Le narrateur est un enfant qui relate diverses initiations à l'âge adulte, publiques et intimes, et d'abord comment on coupa à l'âge de «neuf ans, six mois et vingt-trois jours» un morceau de son sexe jusque-là toujours enfoui dans une coque de soie et coton sous l'oeil ogresque de la mère: «Je l'imaginais prête à tout moment à arracher mon sexe, le jeter sur les braises rouges du brasero et le déguster cuit, salé!» Tel fils, tel père, la castration symbolique vient de plus loin et l'on apprend que l'inceste rôde, le père ayant été amoureux de sa belle-mère, le narrateur risquant de l'être de sa soeur Khokha: «Je me disais: ce corps mince, élancé, plein de vie et de charme, est menacé par la mort. Habité par cette obsession, je me cachais seul dans les cabinets pour pleurer Khokha, encore vivante!» Ces erreurs