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Critique

Les mains dans les putschsSous l'angle politique, judiciaire et mythologique, une histoire des complots qui marquèrent, sans succès, la vie de la IIIe République. Frédéric Monier. Le Complot dans la République. Stratégies du secret de Boulanger à la Cagoule. La Découverte, 340 pp, 145 F.

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publié le 5 novembre 1998 à 15h51

En dépit des ambitions fréquemment affichées, rares sont les livres

qui renouvellent véritablement l'historiographie politique. Consacré à cet «objet baroque» qu'est le complot, dont il poursuit la trace tout au long de la IIIe République, l'ouvrage de Frédéric Monier est pourtant de ceux-ci. Soulignant d'emblée la triple dimension du phénomène, qui procède de facteurs politiques, mais aussi judiciaires (bien des complots se réduisent à leur répression ou leur incrimination) et mythologiques, il entend bien ne sacrifier aucun de ces aspects. Le résultat est un ouvrage à la fois classique et original, qui convoque des sources très diverses (policières, judiciaires, romanes-ques, etc.), mêle l'étude d'authentiques coups de force à celle d'un imaginaire saturé (le complot judéo-maçonnique ou, à l'inverse, jésuite), emprunte à Genette, Girard ou Norman Cohn autant qu'aux historiens traditionnels de la République. La démarche comportait évidemment ses dangers. A inscrire le complot dans sa dimension symbolique et mythique, à repérer dans les représentations la marque d'un récit originel, l'ouvrage prenait le risque d'atténuer la spécificité de ces années 1880-1940. Mais l'auteur, s'il pointe à juste titre invariances et permanences, procède surtout à un profond réinvestissement historique de la question. L'étude attentive des «menées» nationalistes du temps de Boulanger ou de l'affaire Dreyfus, puis celle des très nombreux complots attribués dans les années 20 au jeune Parti comm