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Libération
Critique

Un goût de «Citrouille- amère»

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Pour François Cheng, Shitao est le grand peintre «excentrique» du XVIIIe.
publié le 5 novembre 1998 à 15h50

Avec Chu Ta, son maître, à qui François Cheng a déjà consacré un ouvrage, Shitao (1642-1707) est l’autre grand peintre «excentrique» du XVIIe siècle chinois. Excentrique parce que fils de prince assassiné, orphelin réfugié dans un monastère bouddhique, moine nomade hésitant entre les tentations de la gloire et les errances au bord des fleuves et sur les montagnes, artiste ayant signé sous plusieurs dizaines de pseudonymes avant de se retirer, vieux et malade, enfin assagi et prêt «à se fondre dans le grand Tout». Outre Shitao («Vague de pierre»), le pseudonyme le plus célèbre du peintre est sans doute «Citrouille-amère»: c’est sous cette signature qu’il laisse un traité capital dans l’histoire de la peinture chinoise (traduit en français en 1984 chez Hermann par Pierre Ryckmans alias Simon Leys, sous le titre Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère). Principes spirituels autant que considérations techniques éclairent ce que François Cheng n’hésite pas à considérer comme «un des sommets de la pensée esthétique chinoise». Fleurs, arbres, rochers, monts, fleuves, ermitages, paysages de brumes: l’album présente une cinquantaine de reproductions, aussi mystérieuses que magiques, en provenance des musées de Chine. Paysagiste, miniaturiste, Shitao l’est à la manière taoïste, cultivant l’équilibre des contraires, vide et plein, force et faiblesse, et embrassant tout l’univers, végétal et minéral, immense et infime, dans un même «souffle-esprit»: «Maintenant, écrit Citrouill