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Libération
Critique

Mais que font les puzzlistes?Un serial killer facétieux coupe en morceaux le circuit des pros du puzzle. Cet «Eloge de la pièce manquante» est aussi celui du polar ludique. Antoine Bello. Eloge de la pièce manquante. Gallimard, «la Noire», 266 pp., 95 F.

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publié le 12 novembre 1998 à 16h20

«Entre mars et septembre de l'année 1995, cinq meurtres vinrent

endeuiller le circuit professionnel américain de puzzle de vitesse. Le modus operandi était toujours le même: la victime, qui avait succombé à une injection massive de penthotal, était retrouvée amputée d'un membre, toujours différent. Sur son cadavre, l'assassin avait placé un morceau de cliché Polaroïd représentant le membre correspondant d'un autre homme. La police inféra assez naturellement que les membres photographiés appartenaient à l'assassin.» Il va donc s'agir d'identifier celui-ci. Mais pas seulement. Eloge de la pièce manquante est ouvertement construit comme un puzzle. La première partie, longue de huit pages, s'intitule «l'Enigme»; la dernière, une trentaine de pages, s'appelle «la Solution». Entre les deux, le roman est constitué du «Puzzle (en 48 pièces)», c'est-à-dire 48 brefs chapitres qui soulignent le caractère ludique du texte.

Eloge de la pièce manquante n'est cependant pas juste un jeu de construction. Son caractère excitant tient à la jubilation ironique avec laquelle Antoine Bello, né en 1970, décrit divers univers. Les 48 chapitres sont chacun présentés comme des articles du New York Times ou des extraits des minutes de la Société de puzzlologie, des lettres privés ou des comptes rendus radiophoniques de matchs de puzzle de vitesse. Il y a là comme une critique de l'intérieur, très drôle, de tout ce qui peut s'apparenter au commentaire sportif, dans un vocabulaire qui feint d'être tradu