Menu
Libération
Critique

Je de l'amour. Femmes croisées, vues, entrevues: des préludes à l'amour où on ne perd rien pour attendre. Arnaud Oseredczuk, 59 Préludes à l'évidence, Gallimard, 176 pp., 85 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 19 novembre 1998 à 14h37

Oseredczuk, le nom sonne comme celui d'un compositeur vaguement

balkanique, et il écrit de la musique avec des mots, des préludes. Prélude vient du latin praeludere, qui signifie «se préparer à jouer», Arnaud Oseredczuk a vingt-sept ans, il ne joue déjà plus dans la cour de récréation et se prépare à jouer dans la cour des grands, il fait ses gammes dans ce livre étrange à la fois décousu et cousu main, 59 morceaux de bravoure à braver les indifférences de la vie, patchwork cohérent: 59 Préludes à l'évidence. Evidence vient du latin evidens, «ce qui se voit de loin», Arnaud Oseredczuk se voit de loin, il voit 59 fois ce jeune homme qui dit «je», avec entre les deux ce recul, cette lucidité qui éloignent tout apitoiement, toute complaisance. Les «choses vues» qu'il décrit sont des choses vécues, mais il les dit avec l'élégance de croire qu'il ne joue pas dedans, jusqu'à l'indifférence. Et, si ces préludes sont censés préparer à un «jeu» promis, le «je» qui écrit est également prometteur, il se promet d'aimer, il nous promet l'âge adulte d'une écriture.

Disons, pour faire plus simple, que le jeu introduit par ces 59 préludes est celui de l'amour, tant de femmes croisées, vues, entrevues, jamais prises, rarement entreprises, souvent la même, parfois une autre, revue, déçue, décevante, frôlée, frôlante, en un éclair, ou lente. Attendue. Puisqu'un prélude est une attente.

Et on ne perd rien pour attendre, car une évidence s'impose dès l'ouverture: une saisissante maîtrise de l'éc