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Libération
Critique

La République tombée du ciel. Après avoir emprunté à la religion une partie de sa sacralité, l'Etat laïc a subi la même érosion idéologique qu'elle. Marcel Gauchet explore le parcours de ce nouveau désenchantement. Marcel Gauchet, La Religion dans la démocratie, parcours de la laïcité, Gallimard, «le Débat», 127 pp., 85 F.

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publié le 19 novembre 1998 à 14h37

Pour point de départ, Marcel Gauchet choisit un constat généralement

partagé: on assiste à un «ébranlement de la laïcité telle qu'elle était traditionnellement comprise». Mais il ajoute aussitôt, à rebours des affirmations sur le retour du religieux, que cela se passe «corrélativement à un affaiblissement marqué du facteur religieux». La démonstration de l'auteur s'élabore en replaçant systémati- quement la singularité française, notable pour son fort investissement sur le thème de la laïcité, dans le phénomène de très longue durée propre aux sociétés occidentales modernes, leur «sécularisation» que Marcel Gauchet met en relation avec l'avènement de la culture de l'«individualisme démocratique». Dans ce cas français, le processus politique de «sortie de la religion» commence fin XVIe, en même temps que la monarchie absolue (édit de Nantes, 1598), celle-ci se dessinant à la fois à l'intérieur de la sacralité catholique et contre elle, dans une tentative hégémonique. Cette figure bascule lors de la Révolution; si la constitution civile du clergé récapitule les ambitions anciennes, le Concordat inaugure l'âge de la séparation. En l'occurrence, l'Etat reconnaît officiellement l'Eglise, mais celle-ci «doit se contenter d'un rôle de premier plan à l'intérieur d'une société qu'il ne lui appartient plus de normer dans son ensemble».

Cette séparation des Eglises et de l'Etat est pour Marcel Gauchet un cas de figure de la disjonction plus ample entre l'Etat et la société civile, cara