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Libération
Critique

La route du soi. L'identité moderne s'est formée dans le rapport au Bien: une généalogie du moi par Charles Taylor, théoricien du communitarisme.

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publié le 19 novembre 1998 à 16h30

Epris d'unité autant que de justice, Charles Taylor semble avoir élu

domicile dans le paradoxe. Canadien de langue anglaise, il fait partie du Conseil de la langue française au Québec et n'a jamais cessé de se battre pour la reconnaissance de la dignité et des droits de la minorité acadienne, mais à l'intérieur de l'ensemble fédéral. Politiquement engagé contre le libéralisme, il est l'un des théoriciens marquants du communitarisme (avec Michael Walzer et Alasdair McIntyre), mais en tant que celui-ci permet l'expression de l'individualité moderne. Catholique pratiquant enfin, il développe une ontologie du Bien, mais pour en confier la réalisation à l'histoire. On le voit, le paradoxe peut frôler l'aporie chez Taylor, qui a su transformer le risque de la rupture en une invitation constante au renforcement des liens. Son oeuvre est parvenue ainsi à rassembler les diverses traditions philosophiques de langue anglo-saxonne, de langue allemande et de langue française en un seul espace de discussion, ouvrant les uns aux autres les divers horizons de la philosophie analytique, herméneutique et pragmatique. Trois livres, un sur lui et deux de lui, viennent parachever la présence déjà visible de Taylor dans le paysage intellectuel français: les Sources du moi, son livre le plus important à ce jour, Hegel et la société moderne, qui en est une anticipation décisive, et Charles Taylor et l'interprétation de l'identité moderne, lequel, rassemblant les actes du colloque de Cerisy-la-Salle