Combien y a-t-il de Wittgenstein? Pour les philosophes, au moins
deux. Le «premier Wittgenstein», l'auteur du Tractatus logico-philosophicus (seul ouvrage publié de son vivant), qui propose la plus subtile et parfois énigmatique réflexion sur les conditions auxquelles le langage peut représenter le monde. Le «second Wittgenstein»: celui des plus conventionnels «jeux de langage», qui ne donne plus aux énoncés factuels des sciences de la nature un statut particulier, et considère le langage non d'un point de vue «cognitif», mais selon ses usages communicationnels ordinaires et variés. De la pensée de ces deux-là, depuis les travaux pionniers de Jacques Bouveresse (voir ci-contre), on sait de plus en plus. Et il est d'usage maintenant de soumettre à peu près tous les textes wittgensteiniens, y compris ceux établis à partir de notes d'auditeurs, aux plus scrupuleuses investigations: comme en témoigne le commentaire exhaustif un livre à lui tout seul qu'Antonia Soulez peut tirer des très brèves Leçons sur la liberté de la volonté, tenues à Cambridge en 1939 dans lesquelles le philosophe, donnant congé aux approches «effusives» ou «tragiques» de la division de la volonté, passe celle-ci au crible de l'étude grammaticale ou «méta-éthique». Sur l'homme Wittgenstein, on en sait, en revanche, de moins en moins, parce que la pléthore d'informations et de révélations celles que contient, par exemple, l'enquête de Kimberley Cornish sur le rôle historique qu'aurait joué le père de